Sirène au coussin rouge.


Je pense à un ange lorsque je trace les premières lignes de l’ébauche. Le corps féminin en est le thème principal. J’y ajoute une auréole, des ailes — le croquis se développe rapidement, sans chercher à faire du réalisme.
La deuxième ébauche est plus travaillée : le visage féminin apparaît. Pour contextualiser l’image, je dessine un canapé. En réalité, les ailes me servent de prétexte pour introduire ce canapé. Je remarque que je me trompe dans la construction des jambes : elles semblent avoir trois articulations, comme deux genoux. Peu importe, ce n’est encore qu’un croquis. J’aime les corps expressifs, distordus, exagérés.
Je passe ensuite à la première peinture, toujours dans une démarche de découverte de ce que j’ai en tête. Le corps reste déformé, allongé, au point que j’y perçois une sirène. Je laisse apparaître le blanc de la toile pour marquer les zones de lumière les plus intenses sur le corps de mon modèle imaginaire.
La sirène s’appuie sur l’accoudoir du canapé, qui devient en même temps un trône — une idée que j’aime beaucoup. Un coussin jaune attire le regard, point de concentration de mon brouillon. L’harmonie colorée se déploie dans une gamme de verts, de jaunes, d’oranges et d’un peu de bleu. Dans l’ensemble, la palette reste chaude, et c’est le corps lui-même qui semble réchauffer l’atmosphère de la composition.


J’essaie simplement de choisir des images qui me plaisent parce que je les trouve jolies. Avec le temps, je passe du portrait au corps, je veux aborder des sujets différents.
Je commence par peindre un corps dans le but de travailler techniquement la peau, sa texture, son modelé, ses ombres, ses lumières, de traiter ses proportions avec plus ou moins de réussite. Je ne cherche pas un canon de représentation, mais, à l’époque actuelle, avec la positivité corporelle, j’assume ce que je représente, ce que je peins. Je me dis : je peins un corps, même s’il n’est pas parfait, je l’accepte, il est expressif, il dégage une émotion, il est donc parfait picturalement.
J’essaie de me protéger du regard des gens, notamment de leurs avis ou plutôt de leurs non-avis, et de montrer à quel point on peut piétiner un peu la peinture en restant neutre, sans réaction face à un tableau. Détester ou adorer sont des ambivalences situées sur un même axe des émotions. Tandis que ne rien ressentir me dérange beaucoup plus. Le je-m’en-foutisme est selon moi la réponse la plus tranchante en art. Cela vient du fait que, pour moi, l’art occupe une place particulière dans mon quotidien.
Cela a du sens pour moi de peindre cette femme dans cette position souveraine. Elle est clairement au-dessus de nous, elle s’affirme, alors qu’elle est nue, affaiblie par le regard d’autrui. Le décor est minimaliste, presque vide, il n’y a qu’un canapé vert. Et pourtant, ce canapé ressemble à un trône par sa forme.
Le coussin rouge permet à l’œil de se reposer. Le corps a une dominante de jaune ocre. Le jaune a tendance à être trop lumineux s’il est mal équilibré. Le coussin permet un rééquilibrage. C’est comme une lettrine dans un texte, un point d’entrée dans la toile.
